
Blues and Bullets : noir c’est noir (et rouge un peu aussi)
Blues and Bullets, c’est le nom du diner que tient Eliot Ness pendant sa retraite. L’incorruptible est désormais intraitable sur la préparation de la pâte à pancakes et sur la juste dose de sauce piquante dans un burger. Farfelu certes, mais le jeu nous prévient d’emblée que le scénario honore les événements historiques. Disons qu’il s’en inspire, le dirigeable Hindenburg étant aménagé en hôtel de luxe suspendu après son crash dans le New Jersey, par exemple. En revanche, Al Capone est bien là où il doit être, c’est-à-dire en prison. Aux dernières nouvelles en tout cas…
Derrière Blues and Bullets, il y a l’équipe espagnole d’A Crowd of Monsters qui revisite le roman noir américain. Très noir d’ailleurs, comme dans les bouquins de Dashiel Hammett où le détective hard-boiled combat la pègre avec détachement et dégoût. Rentrez dans cet état d’esprit et vous profiterez davantage de Blues and Bullets. Le jeu vous propose en effet de choisir la tonalité des répliques d’Eliot Ness, le cynisme étant souvent une bonne pioche. Les dialogues sentent la passion pour cette littérature, même si la répartie manque parfois de rythme. On n’atteint pas la sensation d’un flux de paroles normal, comme y arrive Life is strange.
Blues and Bullets est publié en épisodes, le premier venant de sortir sur Xbox One, un mois après la livraison sur PC. Ce chapitre un propose trois phases de jeu. Tout d’abord, l’aventure tranquille avec quelques points à observer dans des espaces très cloisonnés, des dialogues à sélectionner et un petit QTE par-ci par-là. Dans cette phase, la réalisation nous a paru tantôt très datée, tantôt pleine de charme. Allons-y franco, l’animation faciale est risible. Ajoutez-y des scènes cocasses incongrues et on se rapproche du kitsch (assumé pour le coup) de House of the Dead Overkill ! À d’autres moments, pourtant, le cadrage fixe réserve des plans superbes dénotant une grande inventivité et un style certain. Question style, le jeu sait y faire grâce à son noir et blanc tâché de rouge, qui est parfaitement adapté au propos.
Et puis, sans prévenir, le jeu se transforme en un shooter à la troisième personne avec points de couverture ! L’action n’est pas trépidante comme dans un Gears of War, mais elle s’en sort bien. Les affrontements sont certes faciles, car la récompense est surtout visuelle grâce à ce style graphique particulier. De plus, le changement de rythme est une excellente chose pour ne pas s’ennuyer, bonne idée de la part d’A Crowd of Monsters.
Enfin, Eliot Ness est un enquêteur et il serait dommage de ne pas exploiter ses dons. Confronté à une scène de crime, il devra ainsi examiner les indices et retracer le déroulement de l’agression. Cette scène est à nouveau impeccable visuellement, même si les gros plans sur les indices rappellent les limites techniques. Le procédé d’enquête est basique sans être débilitant : les indices se recherchent en observant les victimes sous toutes les coutures ou en faisant tourner les objets sur un écran vide à la Resident Evil. Eliott Ness échafaude alors des hypothèses qu’il faut étayer en choisissant parmi les indices obtenus. C’est simple, il n’y a aucun risque de se tromper, mais on a l’impression de faire son travail de détective.
Qu’importe la phase de jeu, la musique est omniprésente. Blues and Bullets méritait une bonne bande-son, et il l’a. Monsieur Incorruptible ne cesse de clamer son amour pour le blues, et l’ambiance musicale est raccord avec ses goûts. L’OST confiée à un studio espagnol et son compositeur Damian Sanchez confère une grande personnalité au jeu, à l’image de son style graphique. Vous pouvez écouter ci-dessous l’intégralité de l’OST de ce premier épisode, publiée sur Bandcamp.
Note
13/20
Blues and Bullets montre de bonnes choses dans son chapitre initial. Au générique de fin - qui arrive un peu plus vite que dans un épisode classique de Telltale à vue de nez - on se rend compte qu’on a fait beaucoup de choses : de l’aventure, du tir, de l’enquête et même un peu de survival glauque (on ne vous en dira pas plus). Les ingrédients d’une réussite sont présents, même s’il est prématuré de vous conseiller l’achat sans réserve.
Johnny Ofthedead le 03/09/2015
Sin City !
spacecowboy le 04/09/2015
Le traitement visuel est assez proche, oui. Mais le côté (ultra) sexy de Sin City ne se retrouve pas dans Blues and Bullets. Côté femmes, il faudra plutôt s’attendre à des femmes fatales du style de Marlene Dietrich à mon avis. Classe et moins dénué en somme 😉 Les personnages me semblent aussi moins « vulgaires » que dans Sin City.