
Battlestation: Harbinger
Rares sont les jeux sur mobile qui marquent les esprits. Bien sûr, il y a les classiques du genre : des titres que l’on ne présente plus, tels que Monument Valley, Super Hexagon ou encore même le belge Healer’s Quest. Et puis il y a Battlestation: Harbinger. Développé par le studio finlandais Bugbyte et sorti en août 2015 sur iOS et Android, le jeu a fait la semaine passée l’objet d’un portage PC (et Mac) grâce à une campagne Kickstarter ayant levé un budget de 18.000$. C’est sur cette version PC que j’ai pu poser mes grosses pattes velues, pour mon plus grand plaisir.
Un hommage aux plus grands
L’objectif du jeu est simple : vous devez détruire le vaisseau-mère ennemi situé à l’autre bout du système stellaire. Vous voyagerez donc de nœud en nœud jusqu’au nœud de destination afin d’affronter le vaisseau-mère ennemi et passer au système stellaire suivant. Pour cela, vous disposerez d’un vaisseau à sélectionner parmi un éventail de types différents (Vaisseau d’assaut, Carrier, Destroyer, Bombardier, Éclaireur, etc.). Au cours de votre voyage, vous rencontrerez des vaisseaux ennemis qui se déplacent également et que vous n’aurez d’autre choix que de combattre. À l’issue de votre bataille, vous récupérerez de la ferraille vous permettant d’acheter de nouveaux équipements ainsi que des points d’amélioration pour… améliorer vos équipements. Bon, jusque là, c’est classique.
Et d’ailleurs, si vous connaissez l’énorme Faster Than Light (si pas, allez tout de suite l’acheter !) ou encore Out There, vous ne serez pas dépaysé avec Battlestation: Harbinger. Car ce rogue-like spatial emprunte bel et bien énormément d’éléments à ces jeux de référence. Il les emprunte, oui, mais… parvient tout de même à trouver sa propre recette et à composer subtilement avec les ingrédients, tout en ajoutant ses propres innovations.
Je vous mets un peu de RTS avec votre rogue-like ?
Battlestation: Harbinger est un rogue-like, c’est-à-dire un jeu se déroulant au tour par tour où le joueur a l’opportunité de se déplacer dans un monde généré aléatoirement. Comme souvent dans les rogue-likes spatiaux, un tour est représenté par le voyage d’un noeud à un autre noeud dans un système stellaire. À cette mécanique de tour par tout est couplée une phase presque en temps réel propre aux combats (il est toujours possible de mettre le jeu en pause avant de donner ses instructions).
La particularité de Battlestation: Harbinger par rapport à d’autres jeux du genre se trouve dans sa capacité à déplacer les vaisseaux durant les combats, en plus de gérer les commandes d’attaques habituelles. Aussi anodine que peut vous paraître cette mécanique de jeu, ce petit soupçon de Real-Time Strategy apporte de facto une réelle dimension tactique supplémentaire, car une bonne gestion des déplacements et des rotations de vos vaisseaux durant un combat pourra faire la différence entre victoire et défaite. De ces déplacements naissent des possibilités insoupçonnées : il vous sera désormais possible de bloquer les missiles pointés vers votre carrier à l’aide de votre destroyer bien plus résistant; vous pourrez attaquer les ennemis par leurs flancs laissés sans défense; vous pourrez kite les vaisseaux ennemis impuissants face à vos missiles longue portée… Bref, les possibilités sont nombreuses et, bien que peu impactantes en fin de compte, le gameplay du jeu s’en voit tout de même fortement enrichi.
- Rogue, le jeu qui a donné son nom au genre.
- Un tour est représenté par un saut vers le noeud voisin.
- Les déplacements de vos vaisseaux feront parfois la différence entre victoire et défaite.
Un gameplay prévisible (et c’est tant mieux !)
Vous l’aurez sans doute compris, le gameplay de Battlestation: Harbinger tourne énormément autour des combats. Et dans ce domaine, il faut bien avouer que l’expérience est vraiment agréable, principalement grâce à trois éléments importants.
Premièrement, il n’y a pas de notion de carburant ou d’oxygène à gérer. Dans ce jeu, les ressources ne peuvent qu’augmenter. De plus, il est possible de réparer gratuitement votre vaisseau dans certains noeuds. L’aspect survival qu’on retrouve habituellement dans les rogue-likes est donc ici moindre. Certes, vous allez souffrir. Vous allez mourir. Vous allez vous arracher les cheveux. Mais ce ne sera pas par manque de ressources. Ce sera de votre faute, et de votre faute uniquement. Vous mourez ? C’est parce que avez fait une erreur ! Simple, et sans frustration.
Deuxièmement, lorsque vous arriverez dans un combat après avoir fait un saut hyperspace, votre moteur FTL (oui c’est vraiment comme ça qu’ils l’appellent… Quand je vous disais que ce jeu était un hommage !) sera en cooldown pendant quelques secondes. Une fois ce cooldown passé, il vous sera possible de sortir à tout moment d’un combat si vous voyez qu’il tourne en votre défaveur. Si vous ne le faites pas à temps, c’est votre faute. Vous mourez ? C’est parce que avez fait une erreur !
Enfin, le jeu présente peu de RNG (Random Number Generation). Vous savez, la RNG, c’est ce qui va déterminer la probabilité qu’un événement aléatoire se produise… Oui, c’est ce qui vous fait prier tous les dieux de ce monde lorsque vous luttez désespérément pour votre vie à FTL, que vous jouez votre cinquième totem de soins de suite avec le Shaman dans Hearthstone, ou que vous ramassez quatre bâtons de sorcier de suite dans Diablo alors que vous êtes un barbare… Vous l’aurez compris : je ne suis pas un grand fan de RNG dans le jeu vidéo. Cette mécanique peut être drôle, mais peut également s’avérer extrêmement frustrante. Ici, dans Battlestation: Harbinger, la RNG est au final très peu présente. Elle prend principalement la forme d’événements aléatoires lors de vos déplacements ainsi que de loots après vos victoires en combat. Vous avez donc un très grand contrôle sur votre partie, et le jeu récompense davantage la bonne gestion que le hasard. Vous mourez ? C’est parce que avez fait une erreur !

Battlestation: Harbinger comporte bien moins de RNG (Random Number Generation) que d’autres rogue-likes.
Le jeu est donc gratifiant et sait récompenser le joueur quand nécessaire. Ajoutez à cela un équilibrage assez fin des équipements disponibles, une évolution linéaire de la difficulté des ennemis, et une lisibilité globale de jeu importante, et on obtient alors la recette gagnante pour un bon rogue-like. Un des seuls reproches que j’aurais à faire au jeu est qu’il ne permet pas de pouvoir jouer tous les vaisseaux dès le début du jeu : un système d’expérience (d’ailleurs très mal équilibré) vous fera débloquer un vaisseau à chaque niveau. Ce système d’expérience « extra-diégétique » va selon moi à l’encontre de la philosophie du rogue-like pur qui s’inscrit habituellement dans une optique de die and retry. Mais il est prudent de dire qu’il s’agit probablement d’un héritage du support d’origine du jeu, à savoir le mobile. Ce système a au moins le mérite d’adoucir la courbe d’apprentissage du jeu en vous faisant découvrir progressivement les différents types de vaisseaux…
Scénario : des occasions manquées
C’est connu, l’espace et la science-fiction sont généralement des terreaux fertiles quand il s’agit d’inventer des histoires fictives. Certains des films (Star Wars, Battlestar Galactica), des livres (Fondation, Hypérion) et des jeux vidéos (Civ: Beyond Earth, Master of Orion, Elite: Dangerous) les plus fournis de l’histoire se déroulent dans l’espace. Alors pourquoi diable est-ce que les seuls éléments scénaristiques du jeu se résument à un écran de contexte et à trois phrases échangées en début de partie ? Il existe même différents événements dans le jeu qui semblent parfaits pour introduire une histoire immersive. Des missions apparaissent régulièrement, mais celles-ci ne se résument qu’en une instruction sans aucun contexte; les races ennemies ont un semblant d’histoire, mais celle-ci est entièrement accessoire dans le gameplay du jeu; même lorsque vous parvenez au dernier nœud et que vous détruisez le vaisseau-mère, aucun élément scénaristique n’apparaît. Bref, le jeu passe selon moi entièrement à côté d’une opportunité en or pour développer un univers riche et immersif, à mon grand regret.
Si vous voulez en savoir plus et voir le jeu en action, je vous invite à consulter cette vidéo de présentation enregistrée par votre serviteur.
Note
17/20
Battlestation: Harbinger est un rogue-like spatial addictif et très bien équilibré qui a l'énorme mérite de vous donner les moyens de vos ambitions. Ici, votre défaite et votre succès dépendront largement de vos actions, ce qui en fait un jeu extrêmement gratifiant pour qui est prêt à prendre le temps d'en apprendre tous les rouages. Le studio finlandais Bugbyte nous propose donc un jeu qui s'inscrit dans la lignée des plus grands du genre, en leur empruntant différents ingrédients tout en parvenant à y insuffler leur propre vision. Battlestation: Harbinger vaut donc largement ses 10€ sur PC/Mac et 4€ sur mobile.
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