
Mighty N°9 – Mighty et costaud ?
« Comme on se retrouve Mister Inafune ! », diraient les backers du projet s’ils croisaient la route du créateur japonais. Et en mode western, ils régleraient leurs comptes… Quatre millions de dollars, mec – QUATRE MILLIONS ! Qu’est-ce que tu as foutu avec tout notre fric ? Tu nous avais promis une explosion nostalgique, une ode aux Mega Man classés « X »… Et tu nous refiles quoi là ? Un ersatz de Capcomerie, une copie de série B, un plagiat pour bac à soldes !
Calmons-nous et reprenons nos esprits. Certes, nous n’avons pas backé Mighty N°9 sur Kickstarter, mais nous comprenons parfaitement l’excitation, la longue attente et la déception. C’est un fan de Sonic qui vous parle, you know what I’m saying… Bon, je vous sers une tisane et on en reparle.
S’il faut reconnaître un mérite à Mighty N°9, c’est qu’il annonce la couleur directement. L’écran titre n’était pas un stretch goal du Kickstarter, et ça sa voit ! La misère visuelle, l’indigence musicale. Pourtant, ce thème répétitif à souhait est sorti des doigts d’une pointure : Manami Matsumae, soit la compositrice du premier Mega Man, qui a continué à épater la galerie jusqu’à Shovel Knight. On la voit ici nous parler de son boulot devant la caméra de 2 Player Productions.
Ce qui apparaît ensuite relève-t-il de la définition d’une cinématique ? On vous laisse juger, mais un Commodore 64 ne renierait pas cette suite d’images fixes. Soyons clair, l’habillage du jeu est apocalyptique sur tous les plans, à l’exception de l’une ou l’autre entrée de boss. Le reste est au mieux médiocre, au pire effarant. Dans la catégorie effarante, rangeons le piteux doublage français (réglez l’anglais dans les options, par pitié). Et dans la classe des médiocres, citons, au hasard, la bande-son anecdotique. D’ailleurs sympa : une option permettant de passer les musiques en mode chiptune vous fait comprendre à quel point les mélodies sont insipides. Et puis ce héros qui ne sait pas faire un mouvement sans ouvrir sa sale bouche de robot, raaaaaaaah !
Vous vouliez du Mega Man ? En voici, en voilà ! Dans un futur dont j’ai oublié l’époque, un virus détraque les robots en mode evil. Imaginez votre tondeuse automatique qui veut refaire une coupe à votre fils de deux ans et demi. Heureusement, un petit robot gris-bleu du nom de Beck est immunisé contre le virus. Avec son bras-canon, Beck devra rebooter ses petits amis, les Number 1 à 8. N°9, c’est son petit nom, n’est lui que gentillesse. Voyez-le comme un aspirateur autonome qui ramasse vos restes de chips entre les coussins du divan, un vrai amour.
Le premier niveau débute en clin d’œil à Mega Man X. Mais l’hommage est assez terne. À vrai dire, les graphismes avaient plus de gueule sur votre bonne vieille Super Nintendo. Vous me direz qu’on ne peut pas attendre de claque visuelle d’un jeu autofinancé par les joueurs… et je vous répondrai « QUATRE MILLIONS DE DOLLARS » ! Mega Man en 2,5 D, ce n’est pas très folichon donc. Mention spéciale aux décors, presque difficiles à différencier tellement ils sont génériques. Comme une impression que le monde entier est devenu une usine désaffectée.
Après ces premiers coups de canon, Mighty N° 9 adopte le déroulement classique : huit niveaux pour huit boss à aller défier dans n’importe quel ordre. Des boss bien fichus pour la plupart : ma préférence va à Pyro, un robot enflammé et enragé qui vous rendra la (sur)vie impossible si vous n’écoutez pas ses indications vocales. Comme de coutume, chaque boss vaincu vous offrira un nouveau pouvoir bien utile pour aller déboulonner le boss suivant. En plein jeu, vous pourrez sélectionner le pouvoir adéquat dans votre collection ou revenir à votre forme initiale. D’ailleurs, vous reviendrez souvent à votre équipement de départ, car c’est de loin le plus amusant à manier. Et surtout, vous prendrez plaisir à utiliser LA mécanique qui sauve le jeu : le dash.
Dans Mighty N°9, deux choix s’offrent à Beck pour abattre ses adversaires. Soit il les mitraille jusqu’à l’explosion, soit il les affaiblit par quelques tirs et les achève par un dash. Ce simple mouvement, d’une fenêtre d’action très permissive, procure un grand dynamisme au gameplay. Et pour bien faire, il vaudra mieux l’utiliser au bon moment, c’est-à-dire dès que votre opposant est étourdi. Vous avez tout à gagner à lui fracasser le nez à cet instant – symbolisé par le score de 100%. Tout d’abord, avec un peu de chance, vous choperez un bonus (de vitesse, d’attaque ou de défense) au passage. Ensuite, vous récupérerez un max de « Xel », nous y reviendrons. Enfin, vous ferez monter votre compteur de combos et augmenterez votre vitesse d’exécution pour frimer sur le tableau des scores en fin de niveau. Grâce au dash, Mighty N°9 est un vrai nid à speedrun et à scoring. Si cet exercice vous tente, le titre de Keiji Inafune pourra vous combler, pendant que les autres continueront à galérer pour espérer en voir la fin.
Mighty N°9 en action
Fidèle à la réputation des Mega Man, Mighty N°9 est difficile. Pas impossible mais sacrément corsé par endroits. Un joueur normalement constitué (on va dire moi pour faire simple) devra s’acharner pour terminer les huit stages de base et rencontrera un mur de difficulté dans les ultimes niveaux à débloquer, surtout aussi à cause de la maniabilité pas assez fine pour les derniers passages « au poil de cul ». Il y a pourtant quelques aides prévues, notamment grâce au pouvoir des « Xel ». Ces petits points d’énergie s’accumulent jusqu’à vous donner le droit à une recharge complète de votre vitalité. Si vous avez conservé cet avantage jusqu’au boss, vous allez probablement lui faire sa fête. Mais la plupart du temps, c’est lui qui vous transformera en conserve.
Et là vous attendrez… vous attendrez… pendant un temps de chargement ignoble avant votre prochain essai. Déjà c’est râlant de perdre une vie (souvent bêtement), mais si vous devez vous ronger les ongles pendant une éternité avant de recommencer votre erreur… Pour plus de sécurité, éloignez-vous de tout objet fragile ; on ne sait jamais où votre manette atterrira après un lancer de rage. Et soyez zen aussi à propos des défauts techniques. Au choix, vous trouverez de grosses chutes de framerate sur PS4, du tearing sur Xbox One et du foutage de gueule complet sur Wii U. Tout ça avec un écran finalement peu chargé, des explosions au modèle lamentable et quelques tout petits effets. Rien de bien méchant donc quand on code avec soin…
Note
10/20
Mighty N°9 n’est pas le jeu qu’attendaient les contributeurs de la campagne Kickstarter. Pour atteindre le niveau des Mega Man, il lui manque une bonne dose de finition et sans doute de la passion aussi. Un Mega Man fait par des tâcherons en somme. Mighty N°9 échappe de justesse à la catastrophe grâce à une mécanique de jeu géniale, qui lui promet peut-être un bel avenir en matière de speedrun et de scoring.
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