The Eternal Castle [REMASTERED]

The Eternal Castle [REMASTERED]

On « remasterise » généralement des classiques, plus rarement des titres moins connus. Mais que l’on restaure un jeu qui n’a jamais existé, c’est du jamais vu !

Le trio de développeurs nous a d’abord roulés dans la farine : The Eternal Castle serait un chef-d’œuvre méconnu de 1987. Puis la vérité a éclaté, révélant que ce jeu n’a en fait existé que dans les rêves des développeurs. Un fantasme teinté de magenta et de cyan, les couleurs caractéristiques de la norme CGA.

CGA, c’est le nom d’un standard d’affichage que les possesseurs de micro-ordinateurs ont bien connu dans les années 80. Résolution risible aujourd’hui et couleurs très limitées, le retour à cette réalité d’il y a près de 40 ans pourrait être dur. Et pourtant, The Eternal Castle (laissons tomber le « remastered ») ressemble à une œuvre d’art.

Bien sûr qu’il faut aimer le minimalisme. Évidemment qu’il faut avoir la fibre rétro. Mais si c’est votre cas, The Eternal Castle s’assimilera par moments à un générateur de fond d’écran. On s’arrête parfois devant des tableaux de maître, qui exploitent à fond les ficelles du CGA comme peut-être aucun jeu avant lui. Cela ne parlera pas à autant de joueurs que le style NES, mais tout le monde pourra reconnaître le talent des compositions.

Le problème d’une œuvre d’art, c’est qu’elle sacrifie tout à l’art justement. Et dans le cas d’un jeu vidéo, cela peut s’avérer fâcheux. L’intransigeance de la conformité au style CGA nuit à la lisibilité générale dans des proportions gênantes. Il arrive ainsi que la basse résolution simulée nous perde littéralement à l’écran. Dans certaines phases bien tendues, on ne pourra pas s’empêcher de hurler sur le jeu qui ne nous laisse parfois même plus distinguer notre héros de ses adversaires. D’autant plus que la jouabilité n’est guère précise, on y reviendra.

Sur le fond, The Eternal Castle est un cinematic platformer qui s’inspire des légendes du genre, notamment Flashback et Another World, dont il imite la première scène jouable. L’histoire raconte la déchéance de l’humanité, qui a perdu la maîtrise de la colonisation spatiale et des intelligences artificielles qu’elle a elle-même créées. L’univers habitable se trouve donc dans un état déplorable, apocalyptique. C’est dans ce contexte que notre personnage (au choix un homme ou une femme) débarque sur Terre avec son vaisseau pour une opération de sauvetage. Et patatra, l’atterrissage est raté et votre vaisseau kaput. L’enjeu sera de réparer votre véhicule pour accéder à votre destination, le château promis dans le titre du jeu.

Bardaf, c’est bientôt l’embardée.

L’itinéraire comprend trois niveaux et un stage final. Votre vaisseau représente le noyau qui donne accès aux trois niveaux dans n’importe quel ordre. Et il y a de quoi bien réfléchir au niveau par lequel commencer. J’avoue m’être presque découragé durant ma partie, après être mort des dizaines de fois dans un stage dont je pressentais la fin. J’ai dû prendre sur moi pour quitter le niveau en question (en perdant toute ma progression) et lancer un autre stage qui fut beaucoup plus abordable. Et figurez-vous qu’après avoir récupéré les améliorations de résistance et d’endurance proposées dans ce stage, tout fut plus facile ! N’hésitez donc surtout pas à changer de niveau si vous ne voulez pas abandonner le jeu bêtement.

Sans les améliorations précitées, les niveaux de combat sont un calvaire. The Eternal Castle est en effet beaucoup plus bagarreur que ses modèles de cinematic platformer. On se bat très souvent, au corps à corps ou à distance avec une arme à feu. Pro tip : si vous récupérez une bonne arme (une hache, par exemple), ne la jetez surtout pas sur le premier ennemi venu, gardez-la en main pour décapiter les adversaires. Oui, décapiter ! Les combats sont sales et très violents, ce qu’accentue encore la maladresse du gameplay. On se retrouve à mitrailler le bouton de frappe jusqu’à l’épuisement de notre barre d’endurance, sans trop savoir où on se trouve ni si on touche réellement l’ennemi. Le résultat, c’est qu’on met ses adversaires en charpie en s’acharnant sur eux dans un accès de rage. Ne faites donc pas jouer vos enfants à The Eternal Castle, d’autant plus que l’histoire (vague) et l’ambiance frôlent le désespoir.

Les cinematic platformers en général ne nous promettent pas une progression fluide une main dans la poche. Mais ici, c’est le pompon ! Chaque point de contrôle est une délivrance, un écran sur deux étant mortel au premier passage. Avec notre barre de vie en mousse et les adversaires nombreux, on tombe très souvent au combat. La latence des commandes, sans doute voulue, nous joue aussi des tours. Puis, bien entendu, il y a les sauts fatals, les pièges en tout genre et parfois même les bugs bloquants. Retour alors au checkpoint après un chargement bien long, du moins sur Nintendo Switch.

Il ne manquait plus que des chiens !

Pourtant, si on s’accroche, The Eternal Castle a beaucoup à offrir. De sa mise en scène flamboyante à sa musique grisante, le jeu gâte ceux qui lui donnent sa chance. Certaines scènes plus originales, comme les séquences de fuite ou de guerre, réussissent à susciter des sensations fortes en peu de pixels. Enfin, le dernier stage est fantastique et vous remercie d’être arrivé jusque-là. Il monte encore d’un cran l’intensité dramatique et multiplie les plans mémorables. Son mid-boss animé à la perfection et son boss de fin intelligent valent aussi le détour. Quand vous parvenez à leur régler leur compte, le jeu vous « offre » une deuxième partie avec votre équipement mais une seule vie ! Comprenez que ça va chier… Plus accessible, le menu ouvre alors deux modes supplémentaires. « Duel » est un jeu de combat en versus pas très captivant à cause des contrôles. Le mode « Sacrifice » propose lui un nouveau niveau, corsé comme jamais et encore une fois en une seule vie, mais avec une progression un peu sauvegardée.

The Eternal Castle [REMASTERED] est disponible au prix de 15 euros sur Nintendo Switch, après une première sortie en janvier 2019 sur Steam (PC/Mac/Linux) où il ne coûte plus que 6 euros.

Note

12/20

Il en faut beaucoup pour pardonner de grosses lacunes de gameplay, mais la maestria visuelle de The Eternal Castle Remastered y parvient. Le style CGA fait des merveilles pour transformer certains écrans en tableaux de maître et la mise en scène met quelques claques. Si vous adhérez à sa touche rétro, le jeu vous poussera à surmonter ses errances.

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