
Layer Section
Après Cotton 2, c’est un autre classique du shoot’em up sur Saturn qui a droit à son hommage sous la forme d’un portage pour vos PC, PS4, Switch et Xbox. Layer Section est l’heureux élu du studio City Connection, et il le mérite largement.
Layer Section, c’est le nom du jeu sur Saturn japonaise et bornons-nous à utiliser cette dénomination. Pas la peine d’évoquer le nom « Galactic Attack », qui figure pourtant dans le titre de cette nouvelle édition, mais qui désigne simplement la version Saturn occidentale, identique à sa sœur japonaise. Ne croyez donc pas avoir affaire à une compilation : Layer Section et Galactic Attack sont un seul et même jeu, issu de la version originale de Taito en arcade qui date de 1994 (baptisée Rayforce ou Gunlock pour ajouter encore un peu de confusion). C’est donc le portage Saturn, irréprochable par ailleurs, qui sert de base à cette réédition « Layer Section & Galactic Attack S-Tribute ».
Premier épisode d’une trilogie, Layer Section est un shoot’em up à un ou deux joueurs, qui manque de reconnaissance. Évidemment, dans la famille Taito, tout le monde se souvient davantage des Space Invaders et Darius. Avec une concurrence pareille au sein du catalogue de son géniteur, Layer Section n’a pas à rougir de son statut de réserviste, qui n’enlève rien à ses énormes qualités. Des qualités techniques d’abord grâce à une utilisation de sprites 2D tout à fait exceptionnelle. À cet égard, Layer Section est le pendant vertical de l’horizontal Darius Gaiden, tous deux des merveilles de graphismes à l’ancienne dans un shoot’em up. Dans Layer Section, ces sprites superbes s’accompagnent d’un remarquable effet de relief, avec des ennemis qui apparaissent parfois très loin en contrebas. L’illusion de la profondeur est géniale, d’autant plus qu’elle se justifie dans le déroulement du jeu qui, à partir de l’espace, vous fera descendre toujours plus profond vers le centre de la Terre. Ce paragraphe de tous les superlatifs n’est pas usurpé, Layer Section est une prouesse technique qui ne fait pas son âge.
Cette représentation tout sauf plane, Taito l’exploite aussi dans le gameplay pour doter notre vaisseau d’une seconde arme : des missiles à tête chercheuse. Un petit curseur situé quelques mètres devant notre engin nous permet de verrouiller une poignée de cibles avant de lancer une salve de missiles, comme nous le faisions dans After Burner ou Panzer Dragoon par exemple. Cette attaque vers le bas donne toute son originalité au jeu, qui mise beaucoup sur cette particularité non seulement pour la beauté du geste, mais aussi pour la tactique. En effet, les ennemis surgissant dans la profondeur finissent souvent par vous rejoindre au premier plan. Alors si vous avez le temps de les affaiblir voire de les éliminer en contrebas, ce sera toujours ça de moins à gérer sur votre ligne de vol (comme l’illustrent très bien ces gros robots surgissant de leur gouffre).
À votre hauteur, vous disposez aussi d’un tir classique qui gagnera en puissance au fil des bonus récoltés, mais qui ne couvrira jamais plus d’espace à l’écran que quelques lignes droites devant le vaisseau. Layer Section impose ainsi au joueur de se déplacer en permanence et de se mettre en danger pile face aux ennemis pour les détruire. Le risque est élevé tout au long de la partie et il ne faut pas compter sur une bombe surpuissante pour vous sortir d’une mauvaise situation. Pas de chichis dans ce shoot’em up de Taito, il faut y aller avec les moyens du bord limités à ces deux armes, quitte à éviter le combat avec des adversaires mal placés.
Dans cette formule, c’est le rythme de Layer Section qui fait la différence, avec une savante répartition des ennemis. Très vite, le joueur apprend à alterner entre les missiles et le tir normal, tout en prenant conscience de la grande maîtrise de Taito pour distribuer les menaces. Même sans vouloir jouer le score, il est tentant de verrouiller plusieurs cibles à la fois avant de déclencher le plus de missiles pour gagner un petit bonus de points ; le level design est pensé pour ça ! Dans le domaine de la conception des niveaux, notons aussi le grand nombre de scènes spectaculaires, dont cette apparition du profil terrestre depuis l’espace.
Vous avez sans doute ressenti tout mon respect pour Layer Section, toujours aussi impressionnant et motivant en 2022. Cette réédition a donc tout son sens, selon moi, même si le jeu sur Saturn n’est pas introuvable ni impayable, encore faut-il avoir la console bien sûr. Pour ma part, comme je possède l’original, je me suis laissé tenter par la seule version transportable, sur Switch. Et à lire certains commentaires sur internet, c’est un bon choix visiblement. À la sortie du jeu, quelques utilisateurs de PC et de PS4 ont signalé un input lag désastreux sur ces machines, autrement dit un long délai pour que vos actions sur la manette se reflètent à l’écran. C’est un défaut majeur pour un shoot’em up, qui empêche parfois d’y jouer correctement en comptant sur ses réflexes. Je serais incapable de vous décrire l’ampleur des dégâts sur PC et PS4 (quid de la Xbox aussi ?), mais je peux vous garantir que la version Switch ne souffre pas d’un input lag gênant. À titre de comparaison, Layer Section n’est qu’un tout petit peu plus réactif et agréable sur Saturn, et le pad Sega n’y est sans doute pas étranger. En conclusion, rien de fâcheux à signaler sur Switch, Layer Section y reste très jouable.
Quasi-trentenaire, le shmup de Taito a fini par s’adoucir, et tout le monde peut désormais dompter sa difficulté redoutable. Le studio City Connection a multiplié les options visant à vous faire voir la fin du jeu coûte que coûte : sauvegarde instantanée, rembobinage, ralenti et sélection du niveau sont là pour simplifier votre entraînement. Dans le contexte d’une partie « sérieuse », vous pourrez aussi profiter d’un nombre de crédits doublé voire illimité, ainsi que d’une cadence de tir plus rapide et d’un rank inoffensif (en désactivant cet affreux mécanisme qui augmente la difficulté en fonction de vos performances). Le menu offre aussi quelques options d’affichage, mais, à vrai dire, nous restons sur notre faim. Un musée d’illustrations, par exemple, n’aurait pas été de refus. Pas de trace non plus d’un lecteur musical qui aurait pu mettre en valeur les admirables compositions sans le bruit des tirs. Issue du même collectif maison de Taito, l’illustre groupe Zuntata, la bande originale de Layer Section frappe presque aussi fort que celle de Darius Gaiden, c’est dire ! Voici d’ailleurs le lien pour écouter l’album (bien caché) sur Spotify.
Note
16/20
Layer Section est un amour de shoot’em up. Il l’était déjà sur Saturn, il l’est toujours sur Switch. Si ça suffit à votre bonheur, ça fera 28 euros, par ici la monnaie. Un peu cher peut-être, mais ne reproche-t-on pas sans cesse aux cotes de jeux rétro d’ignorer la qualité des jeux ? De ce point de vue, soyez certain que Layer Section vaut son prix. À la moitié des années 90, Taito maîtrisait la 2D à la perfection et sa science du level design s’exprimait à merveille. Bien dans son époque, Layer Section est toutefois devenu intemporel.
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