
Pillars of Eternity : le jeu de rôle à l’ancienne
Depuis Baldur’s Gate, on avait plus tellement vu de RPG de ce style dans les années qui ont suivi sa sortie. Ce n’est qu’au bout de quelques années, et de pas moins de 77.000 personnes qui ont financé ce projet sur Kickstater, que Obsidian Interactive a donné naissance à Pillars of Eternity ! Vous y retrouverez toutes les mécaniques du jeu de rôle à l’ancienne et qui plairont davantage aux joueurs sur table comme moi.
Le commencement
Dans Pillars of Eternity, vous incarnez un aventurier en quête d’acheter un morceau de terre dans la vallée dorée. En somme, rien de bien dangereux dirons-nous. Pour ce faire, vous intégrez une caravane marchande pour faire la route jusqu’à votre destination, mais vous vous rendez compte que vous avez contracté une maladie du coin, qui n’est pas bien dangereuse si on la soigne correctement. Le maître de caravane vous envoie, accompagné d’un des gardes, chercher les plantes nécessaires pour les soins. Mais à votre retour, le campement a été attaqué par les protecteurs de la forêt qui ont tué tout le monde. Après les avoir battu, vous assistez à un phénomène surnaturel appelé le bîawac, une sorte de tornade, qui fauche les âmes des morts, mais également celles des vivants. Vous échappant in extremis via une grotte, vous vous mettez à avoir des visions étranges et à entendre des murmures qui remplissent votre tête. Plus tard, vous découvrirez que vous êtes un gardien, une personne capable de lire les âmes des gens et de voir leur passé. Votre périple vous amènera donc à en apprendre plus sur vos nouvelles facultés tout en étant mêlé aux problèmes de la région.
La création de personnage
En ce qui concerne la création de votre personnage, vous aurez droit à un panel plutôt complet et varié puisque six races vont seront proposées (sans compter les sous-races) : humain, aumaua, nain, elfe, orlan et divin. Chaque joueur peut choisir entre sept cultures différentes, et auront le choix parmi onze classes. Évidemment, chaque choix vous accordera une multitude de bonus que vous choisirez en fonction de votre style de jeu. Au fil de votre aventure, vous rencontrerez la route de gens susceptibles de vous demander de l’aide ou tout simplement désirant voyager, et qui viendront s’ajouter à votre joyeux petit groupe pour un maximum de six personnages. Sans compter que certains d’entre-eux peuvent avoir des compagnons animaux qui sont des extras (par exemple j’ai un rôdeur qui a un lion de compagnie). Outre le fait de les croiser durant votre voyage, vous pouvez tout aussi bien les recruter à une auberge mais le procédé est un peu différent puisqu’il vous sera demandé de choisir le niveau de l’aventurier et ensuite de le créer vous-même. Cela permet de faire une équipe complète et équilibrée si jamais vous avez une faille dans un domaine ou l’autre.
Les combats
Les rencontres sauvages et autres affrontements avec bandits et créatures seront nombreux et il vous sera préférable de bien gérer votre équipe. Autant le dire tout de suite, le mode tir allié est actif peu importe le mode de difficulté choisi ! Vous devrez donc faire attention à vos attaques de zone comme les sorts de magie en cône ou cercle, mais aussi aux buffs des prêtres qui peuvent parfois aussi s’appliquer aux ennemis… Une bonne dose de micro-gestion vous aidera à tout planifier et, par une simple pression de la barre d’espace, vous pourrez mettre le jeu en pause quand bon vous semble. La difficulté choisie, quant à elle, influe sur le nombre d’ennemis que vous rencontrerez. Et si jamais vous êtes en recherche d’un énorme défi, vous pouvez activer la contrainte « épreuve de fer » en début de partie. Celle-ci fait en sorte qu’un seul fichier de sauvegarde est géré, ce qui fait que si votre personnage meurt, le fichier est supprimé et vous devrez recommencer une nouvelle partie.
Un monde vaste et riche
On peut le dire, le monde de Pillars of Eternity est vraiment vaste, regorge d’endroits sublimes à explorer et ne manquera pas de vous occuper pendant des dizaines d’heures ! Outre toutes les destinations visibles sur la carte, vous pourrez en découvrir de nouvelles en farfouillant bien les rebords de la map, dévoilant ainsi de nouvelles routes vers de nouvelles aventures. Sans compter que le nombre de donjons à explorer est assez conséquent, en plus des niveaux extérieurs. Le jeu adopte une vue isométrique sur laquelle il vous sera uniquement possible de faire un zoom avant/arrière et pose parfois quelques soucis de perspective pour les déplacements. Si la quête principale vous occupera déjà un paquet d’heures à elle seule, rajoutez à cela un nombre incroyable de quêtes secondaires à la narration tout aussi travaillée et prenante, dont certaines ont leur petit challenge. Là aussi, vous avez la possibilité d’ajouter la contrainte « mode expert » en début de partie pour laisser place à votre pure intuition (il n’y aura alors pas d’aide à l’affichage des objets interactifs, et la mise à jour des quêtes ne se fera pas forcément automatiquement).
L’avis de Tom Sawyer
Pillars of Eternity, le « petit » dernier computer-RPG d’Obsidian né d’une campagne Kickstarter à hauteur de 4 millions de dollars, voit enfin le jour. Ce projet se veut être le digne successeur de Baldur’s Gate… On a souvent entendu cette phrase, sans que jamais elle ne se vérifie. Cette attente de plus de 13 ans toucherait-elle enfin à sa fin ?
Pillars of Eternity c’est avant tout un projet Kickstarter emmené par Josh Sawyer, un « pilier » du computer-RPG pouvant se targuer d’avoir sur son CV des noms comme Icewind Dale, Fallout : New Vegas ou encore Neverwinter Nights. Le deal est simple, il nous propose sans sourciller un digne successeur de Baldur’s Gate en se passant des contraintes d’un éditeur, à condition que les joueurs lui fassent confiance et le financent. L’idée séduit et le projet est financé en seulement 24h. Il recevra même presque quatre fois la somme demandée ! Un peu plus de deux années de développement plus tard, il est temps de voir si Josh a tenu parole…
PoE a beau se vanter d’être la suite de Baldur’s Gate, il n’en a pas la license. Exit donc les Royaumes Oubliés et les règles « à Dédé » (Advanced Dungeon and Dragons) et bienvenue dans le monde d’Eora. La création de personnage se veut complète, le nombre de races, classes, talents, etc. est conséquent. Elle ressemble même à s’y méprendre à son modèle d’AD&D. Les possibilités n’auront de limites que celles de votre imagination. Par contre, la modélisation 3D des personnages est assez décevante et peu aboutie. Mais rassurez-vous, le jeu se déroule entièrement en vue tactique, vous aurez donc vite fait de l’oublier.
Une fois l’introduction lancée, une évidence saute aux yeux : l’immersion se fera par la narration. Et l’écriture y est belle et soignée, avec de nombreuses descriptions du monde qui vous entoure, rappelant parfois un certain Tolkien. Si vous n’aimez pas lire, ce détail pourra vous rebuter, mais si vous sautez le pas, vous serez très vite conquis par ce côté romancé de l’intrigue. Si vous avez eu l’occasion de vous essayer au jeu de rôle sur table (AD&D par exemple), vous serez nostalgique tout au long de l’aventure, et ce malgré une traduction française parfois approximative venant ternir certaines descriptions (par exemple : vessel en anglais, traduit par vaisseau, alors que l’on parle plus de l’enveloppe charnelle).
La narration vous confrontera ainsi régulièrement à des choix qui seront parfois même contextuels. Il est, par exemple, possible de rentrer dans certains lieux par des chemins détournés, à l’aide d’outils spécifiques. En fonction de vos choix, les quêtes auront un dénouement heureux ou funeste. Vous pourrez être tour à tour compatissant, chevaleresque, stoïque, voire même cruel. Ces choix ont une réelle incidence sur la façon dont vous êtes perçu dans le monde et dans le déroulement de l’histoire. Ils influencent donc votre réputation dans les différentes contrées d’Eora ainsi que votre relation avec vos compagnons. Ceux-ci ont d’ailleurs bénéficié d’un soin tout particulier. Ils sont au nombre de huit et se montrent très loquaces. Ils possèdent chacun une intrigue qui leur est propre et qui est loin d’être bâclée, voire même aussi soignée que l’histoire principale. Si vous voulez malgré tout étoffer le nombre de compagnons, vous pourrez recruter des aventuriers dans toute bonne taverne qui se respecte. Contre une modique somme, vous serez redirigé sur la création de personnage pour façonner le compagnon selon vos souhaits.
Vous l’aurez compris, PoE laisse une grande part de liberté au joueur, autant dans la façon de prendre part au scénario, que dans la gestion de votre groupe ou encore dans le choix de la destination ! Vous serez très vite lâché dans la nature à la manière d’un Baldur’s Gate. Libre à vous d’aller où vous voulez avec les conséquences tragiques ou glorieuses que cela peut impliquer. Vous obtiendrez assez vite votre propre forteresse, intrigue principale oblige. Elle n’est pas indispensable car les bonus apportés sont mineurs, mais elle est néanmoins bien pensée et agréable à gérer. Notez également que de nombreux événements ponctuels demanderont une décision de votre part.
Les décors en 3D isométrique sont de bien meilleure qualité qu’il y a 13 ans. Les personnages, ainsi que divers effets spéciaux, s’y insèrent parfaitement pour un résultat artistique réussi. Un véritable hommage à une époque révolue. Les décors détaillés, la narration descriptive ainsi que les illustrations soignées forment un tout cohérent et incontestablement réussi. Vous l’aurez compris, la direction artistique est, selon moi, un point fort du titre.
Ce n’est pas tout d’admirer les décors, il va falloir s’y frayer un chemin ! Pour cela, il existe quatre niveaux de difficulté, la possibilité d’enlever les aides contextuelles ainsi qu’un mode « mort subite ». Même au niveau de difficulté le plus bas, la stratégie sera nécessaire. Si les premiers affrontements sont assez simples, vous aurez très vite compris que le positionnement tactique est obligatoire. Si vous essayez de faire passer un personnage en armure légère au milieu de la mêlée, vous allez le transformer en sushi en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire ! Il est donc impératif de mettre à contribution vos boîtes de conserve (comprendre guerrier ou « tank ») en première ligne pour bien protéger votre seconde ligne principalement constituée de… Tout le reste. Le système de combat intelligent renforce le côté stratégique. Cependant, le manque de visibilité dans la mêlée couplé à quelques problèmes de pathfinding viendront toutefois compliquer vos stratégies les plus élaborées… Ce qui peut s’avérer gênant, voir frustrant, dans les affrontements difficiles.
Le placement et l’engagement ont une influence majeure sur l’issue d’un combat. C’est donc en toute logique que vous arpenterez donjons et autres lieux inconnus en mode « reconnaissance ». Derrière ce nom se cache un mode furtif de groupe couplé avec une détection des pièges (et ils sont nombreux). La furtivité est bien gérée, le tout est bien pensé et relativement réaliste. Il permet une progression moins fastidieuse que dans ses prédécesseurs en simplifiant la gestion de la reconnaissance. Néanmoins, les compagnons n’ont pas bénéficié d’ajouts du même type. C’est même l’inverse puisque l’IA des compagnons n’est pas paramétrable. Si vous ne leur donnez pas d’ordre, ils se contenteront d’attaquer l’ennemi le plus proche ou resteront complètement inactifs ! La gestion du groupe sera de plus en plus complexe au fur et à mesure que l’histoire progresse, ce qui pourra en rebuter plus d’un sur la fin de l’aventure. Le repos devient plus compliqué et surtout limité au nombre de matériel de camping dont vous disposez. Qui veut aller loin, ménage sa monture ! Vous devrez donc économiser vos sorts pour ne pas vous retrouver dépourvu d’arguments au moment fatidique!
En conclusion, le pari d’Obsidian est relevé haut la main. Pillars of Eternity est une ode à un genre de jeu disparu depuis trop longtemps. Généreux et respectueux des joueurs, le jeu envoûte et séduit sans peine. Prenez la narration d’un Planescape Torment et la liberté d’un Baldur’s Gate, ajoutez l’expertise d’une équipe leader dans le domaine et vous obtiendrez une petite perle dont les défauts sont vite oubliés. Un jeu qui nous rappelle que l’art est une affaire de liberté et non de fiscalité. Une belle manière de sauver son studio, chapeau bas.
Les points forts :
- Liberté totale, aussi bien dans toutes les couches de gameplay que dans l’histoire
- Grand nombre de possibilités de création et d’évolution de personnage
- Narration aux petits oignons, riche et généreuse
- Système de combat tactique et intelligent
- Forteresse bien pensée et malgré tout dispensable si ce n’est pas votre truc
Les points faibles :
- Micro-gestion poussée impérative
- Errances de la traduction française
- Modèle 3D des personnages sommaire
- Beaucoup de lecture, ne plaira pas à tout le monde
- Problème de pathfinding et mauvaise visibilité en combat
Note
18/20
Obsidian Interactive a vraiment créé un jeu à la hauteur des attentes de fans de RPG old-school. Avec une ambiance, une narration et un style graphique qui se marient très bien ensemble, vous prendrez plaisir à errer des heures entières dans le monde qui vous est offert. Les mécaniques de combat peuvent être déroutantes au début, mais ne vous inquiétez pas on s'y fait très vite !
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