Onirigami à l’interview

Onirigami à l’interview

Bienvenue dans ce premier numéro de GamArtisanat, la rubrique des petits développeurs, des indies, des créateurs du grenier, des amateurs éclairés et des étudiants doués. On y parle de jeux portés par de petites équipes, de Belgique et d’ailleurs, qui ont façonné avec amour et leurs petites mains des titres originaux, forts, personnels, fun voire tout simplement joyeusement déjantés ! Montez avec nous, on vous emmène en voyage au pays des créateurs et des jeux différents.

Ce premier numéro est consacré à un projet suisse porté par des … Françaises (et des Français aussi) : le jeu Onirigami. Croisé en déambulant dans les travées de la Gamescom 2015 (« tiens, même la Suisse a un stand national, et il est pas mal grand en plus ! »), le studio Tourmaline tranche entre la forme et le fond (« oh c’est trop mignon, je vais prendre une photo pour ma fille. Hé mais il y a une bouteille de bière sur le stand d’un jeu pour petits enfants ! »). Et la discussion tranche pas mal aussi.

Alors, à part boire des bières, vous faites quoi à la Gamescom ?

Nous présentons le prototype de notre premier jeu commercial : Onirigami, un jeu d’aventure pour enfants se jouant sur tablette avec des jouets connectés.

Et pourquoi vous êtes sur le stand de la Suisse si vous n’êtes même pas Suisses ?

Bien que nous soyons Françaises (cocorico), l’entreprise est suisse et Marion vit effectivement à Genève depuis maintenant 4 ans. Le projet est soutenu depuis le début par des institutions suisses (Genilem, Pro Helvetia, l’AHEAD Design Incubator, Venture Kick). Le concours Genilem, première bourse que l’on a remportée, est destiné à des anciens étudiants des Hautes Écoles Spécialisées de Suisse romande. Marion a soumis notre projet à ce concours après avoir obtenu son master en media design à la HEAD–Genève. Nous sommes donc ici grâce à l’initiative de ProHelvetia qui soutient les jeunes studios suisses comme nous ; ils ont eu la formidable idée de réunir 15 studios et d’organiser un stand commun nous permettant d’avoir une plus grande visibilité que si nous étions tous partis chacun de notre côté (ce qui aurait été difficilement possible pour nous vu les coûts d’un tel évènement).

Tourmaline-équipe

Mais, c’est moi où il n’y a que des filles dans votre équipe (en fait non comme l’indique votre site, mais là on est à trois à la gamescom) ? Suite de hasards ou volonté d’une équipe différente ? Et cela change quelque chose dans la manière de créer un jeu ou c’est réac’/con de poser une question pareille ?

C’est pour surfer sur la tendance des femmes entrepreneuses évidemment (haha). Non plus sérieusement, effectivement, l’équipe compte plus de femmes que d’hommes. C’est une remarque qu’on nous fait régulièrement car on voit généralement plus d’hommes dans le paysage de l’industrie du jeu video, mais les choses (heureusement) changent et nous sommes ravies de pouvoir illustrer ce changement. Est-ce que cela influence notre façon de créer ? Nous ne pensons pas que cela ait à voir avec le genre mais plus avec nos différents univers/background et expériences. De manière générale nous trouvons ça agréable de travailler avec une équipe mixte, nous nous adressons au grand public sans focus sur un genre particulier, bien au contraire 🙂

Pouvez-vous revenir sur la composition et le parcours de chacun des membres du studio Tourmaline ?

Camille : Je suis game designer, j’ai co-créé avec Marion le studio Tourmaline cette année. J’ai rencontré Marion à l’école des Gobelins où nous avons passé notre diplôme CRMA en 2011. À l’époque notre passion commune pour le jeu vidéo nous avait amenées à créer pour notre projet de fin d’étude un jeu de pirates pour tablette où le dispositif s’inspirait des jeux de plateau ; à l’époque déjà les dispositifs atypiques nous attiraient.

Il y a deux ans Marion est venue me voir en me parlant de son installation avec du papier et un décor interactif projeté sur une table. En discutant on s’est demandé : et si on proposait ce type d’expérience sur une tablette avec des figurines connectées ? Nous avons approfondi l’idée, puis nous postulions quelques mois plus tard pour le concours Genilem.

Avant de me lancer dans cette superbe aventure, je travaillais à mon compte comme game/interactive designer pour le jeu vidéo et les projets interactifs. Je m’intéresse à l’expérience utilisateur et à l’évolution des usages, j’aime mélanger le physique et le numérique pour créer des moments conviviaux, d’interactions et d’humanité.

Marion : Je suis directrice artistique, j’ai fait une formation de concepteur/réalisateur multimédia (CRMA) à l’École des Gobelins où j’ai rencontré Camille, puis je suis partie en Suisse faire un master en Média design à la HEAD–Genève. Mon travail s’oriente autour de l’enrichissement de l’expérience ludique, notamment par des recherches sur les procédés narratifs, l’hybridation entre le tangible et le digital et les dispositifs offerts par les nouveaux supports numériques. Au cours de mon master j’ai créé plusieurs prototypes de jeu, notamment un jeu narratif expérimental où l’on jouait sur une table avec le décor projeté dessus, et l’on déplaçait des paper toys dont la position influençait le décor. C’était une première version d’Onirigami, que l’on a fait évoluer Camille et moi jusqu’à un jeu sur tablette avec des jouets connectés. De manière générale nous essayons toujours de créer un dispositif immersif et novateur qui créé une expérience de jeu différente.

Le reste de l’équipe se compose de professionnels du jeu vidéo, de l’animation, du design d’interaction ou encore des jouets pour enfants. Les univers sont très variés, ce qui est pour nous très enrichissant. Nous nous sommes pour la plupart rencontrés à l’École des Gobelins il y a quelques années.

Onirigami - studio

Tourmaline, c’est un jeu de mot ou cela a une signification particulière ?

La Tourmaline est une pierre semi-précieuse, le nom nous plaisait à la sonorité et la pierre a ceci de particulier qu’elle est composée d’un groupe de plusieurs minéraux : cela symbolise notre volonté de “crafter” des expériences de qualité en faisant appel à une équipe d’artisans du jeu et du monde du numérique au sens plus large du terme 😉

 Onirigami

Pourriez-vous expliquer le principe de votre titre ainsi que son gameplay ?

Onirigami est un jeu d’aventure coopératif pour deux joueurs. On joue avec une tablette et deux jouets connectés, incarnant Mina et Tim, les héros de l’histoire. En les déplaçant sur l’écran, les joueurs résolvent des puzzles et déroulent une histoire interactive.

Onirigami est un voyage durant lequel il faut faire preuve d’astuce et rester unis afin de survivre sur une île étrange… Heureusement, nos héros pourront compter sur des masques magiques à l’effigie d’animaux qu’ils trouveront sur leur chemin. Ces masques leur offrent des pouvoirs liés à l’animal représenté : voler comme un faucon, nager comme un requin, se camoufler tel un caméléon…

Pour rentrer chez eux, Tim et Mina devront explorer et aider différentes tribus d’enfants à travers plusieurs épreuves.

« Un jeu que l’on joue à deux avec son enfant », c’est quoi, un bon concept marketing ou une bonne idée de partage ?

C’est surtout un constat qu’on a fait en regardant les jeux jouables à deux sur mobile ou console. La plupart du temps c’est de la confrontation/compétition. On avait envie de concevoir d’autres choses pour les enfants, et en discutant avec des parents qui jouent avec leurs enfants, l’idée de faire un jeu en coopération est apparue comme une évidence.

Ce qui frappe avec votre jeu, c’est l’esthétique, très soignée et attirante. Comment l’avez-vous pensée et réalisée ?

Pour nous la création de l’univers était une étape très importante dans le sens où nous cherchons à construire une véritable saga pour enfant. On a contacté David Calvo que Marion avait rencontré à l’occasion d’une contre-GDC à San Francisco. David est un narrative designer qui a travaillé sur de nombreux jeux (c’est notamment l’auteur de toute la cosmogonie de Wakfu/Ankama) mais il est également l’auteur de romans et nouvelles. Il a créé avec nous la bible scénaristique de l’univers et nous aide sur le design narratif du jeu. À partir de là nous avons travaillé sur la partie visuelle avec Violaine Briat que nous avions rencontrée aux Gobelins lorsqu’elle faisait sa formation d’animation. Violaine a donné une véritable identité au jeu en nous faisant plusieurs concept arts des personnages, environnements, faune et flore. Nous travaillons encore aujourd’hui à partir de ces visuels qui nous ont aidés pour le design des figurines et l’ensemble de la modélisation 3D des décors du jeu.

Onirigami - figurines

Les figurines sont adorables, sont-elles le point de départ du jeu ou l’inverse ?

Les figurines sont effectivement le point de départ du projet et tout le design d’interaction a été imaginé avec cette belle contrainte. Finalement la figurine, en plus d’être un jouet sympathique, devient le contrôleur de jeu. On n’interagit pas seulement avec son doigt mais avec cet objet. Il a fallu créer des interactions qui soient propres à ce dispositif, adapter toute l’expérience à partir de ces figurines sur plusieurs niveaux : décor en vue du dessus, déplacement d’un véritable objet pour bouger son personnage, affichage des éléments d’interfaces en fonction de la position des figurines, etc.

Votre modèle économique, c’est celui de la collection de figurines (sachant que les gens paient rarement sur mobile) ? Vous n’avez pas peur de la concurrence frontale avec les titres Disney/Activision/Lego ?

Pas tout à fait, Onirigami sera vendu avec deux figurines / personnages, c’est tout. Pour le prochain jeu de la saga nous proposerons un ou plusieurs autres personnages qui seront de nouveaux héros de l’univers. Concernant la concurrence, pour le moment Disney / Activision / Lego sont essentiellement sur console, d’où notre choix du mobile où il existe à l’heure actuelle peu de jeux avec ce dispositif (jouets connectés). Et même si Activision, Warner ou Disney veulent sortir leur jeu sur mobile, on a envie de dire tant mieux ! Démocratiser ce type de jeu n’est pas un mal pour nous au contraire ; plus les gens auront l’habitude de ce dispositif, moins on passera de temps à expliquer l’intérêt / l’avantage de ce type d’expérience vidéoludique 🙂

Vous avez été contactés par Ravensburger. Pouvez-vous nous expliquer comment cela fonctionne avec un tel géant du jouet pour des créateurs indés ?

Pour être honnête, c’est plutôt nous qui avons toqué à leur porte pour savoir si Onirigami pourrait les intéresser. L’enjeu avec ce projet est de trouver les bons partenaires pour la fabrication et la distribution des figurines. On s’est dit que les éditeurs de jeux de plateau ont l’expertise dans ces domaines tandis que notre expertise à nous est de pouvoir créer et développer des jeux vidéo intéressants avec des figurines. Tout le monde peut donc y trouver son compte.

Onirigami - tablette

Si le jeu est toujours en plein développement, à quoi ressemblera-t-il pour sa sortie (vous parliez de Noël 2016) ?

Le jeu est en pré-production. Dès que nous aurons conclu l’ensemble des partenariats dont nous parlions juste avant, alors nous lancerons la production et si tout se déroule bien (c’est tout le mal qu’on se souhaite !) Onirigami pourrait être disponible à l’achat pour Noël 2016. Le jeu se présentera sous la forme d’une boite contenant les deux figurines du jeu : Tim et Mina. L’application du jeu sera elle en téléchargement gratuit sur les stores mobiles. Nous sommes en train de voir la possibilité de pouvoir acheter (de façon sécurisée bien entendu !) les figurines directement dans l’application.

Merci pour vos réponses et en vous souhaitant le meilleur pour Onirigami !

Merci à toi d’être passé nous voir à la Gamescom, et merci pour l’interview 😉 C’est génial de donner la parole aux indés comme nous qui luttons face aux géants pour avoir un peu de visibilité !  N’hésitez pas à partager :

Onirigami - jeu

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