
Hitman – compilation ne rime pas avec précipitation
On a craint pour l’avenir de l’agent 47 : la distribution épisodique de ses dernières aventures représentait un saut dans l’inconnu pour ce grand nom de l’infiltration. Pourtant, six épisodes plus tard, plus personne ne doute de la santé du chauve au code-barres tatoué sur le crâne. Conscient malgré tout de la désorientation de certains fans par rapport à cette publication atypique, son éditeur Square Enix a rassemblé les lieux de la première saison dans une compilation sur disque. L’occasion de tester le modèle dans un format suivi.
À raison d’un épisode par livraison, la saison écoulée de Hitman a enchanté les amateurs d’infiltration ouverte, pour toutes les bonnes raisons que nous évoquerons ci-dessous. Sevrés de « chapitre » suivant, les joueurs n’avaient pas d’autre choix que de faire et refaire la même mission en expérimentant toutes les possibilités de l’environnement. La compilation distribuée aujourd’hui modifie radicalement ce paramètre dans une perspective de continuité.
Le menu principal a beau être massif, toujours est-il qu’au terme d’un contrat réussi, une seule pression de touche vous sépare de la mission suivante. La tentation est donc grande de poursuivre l’histoire en ligne droite, pas tant pour l’intérêt du scénario que pour le plaisir de la découverte géographique et environnementale. L’histoire, certes construite de bric et de broc, se déroule ainsi de manière traditionnelle, un contrat après l’autre. D’aucuns trouveront leur bonheur dans cette linéarité, mais regretteront peut-être alors que « le jeu » se termine trop vite. Sauf que le jeu est loin d’être fini à ce stade, ça n’échappera à aucun agent secret en chambre.
La voie du crime parfait
Même les joueurs les moins avertis reconnaîtront immédiatement le potentiel de rejouabilité de chaque niveau. Impossible de ne pas apercevoir les multiples options, les nombreux subterfuges ou les machinations élaborées. Difficile aussi d’être pleinement satisfait après un assassinat standard du type « je te suis dans un couloir vide et je t’étrangle ». Hitman stimule votre sens de la mise en scène, de l’élégance à la tâche, du crime parfait en somme. Ainsi, même lors du premier passage, on cherche le coup tordu pour parvenir à ses fins. Lorsque votre plan se déroule sans accroc (Hannibal aime), c’est la sensation du travail bien fait qui vous envahit. Et une fois qu’on a goûté au plaisir de la belle ouvrage, le boulot grossièrement bâclé ne suffit plus.
Cette saison de Hitman propose autant de décors que de missions : Paris, Sapienza ou encore Marrakech vous accueillent pour faire votre boulot de tueur à gage. Mais plutôt que de décors, il convient mieux de parler de terrains de jeu. Car tout est jeu dans ces environnements dont les créateurs ont banni le remplissage. Il n’y a pour ainsi dire aucun espace dépourvu de possibilité d’action. En grand professionnel concentré, 47 voit des opportunités partout !
Bien sûr, il y a les classiques. Une pincée de mort aux rats dans un verre fonctionne toujours aussi bien pour isoler votre cible aux toilettes, et couic voilà comment une indigestion mène à un coup brisé. Mais déjà, il faut la trouver cette mort aux rats. Puis, il faut encore que votre cible pose ses lèvres sur le bon verre – ce serait bête qu’un garde monopolise les chiottes. Enfin et surtout, n’espérez pas débarquer au bar avec votre grande carcasse cravatée pour empoisonner les verres en pleine fiesta. Alors qu’avec le bon déguisement…
Au bal, au bal masqué ho hé ho hé
S’introduire dans une ambassade truffée de gardes diplomatiques, c’est coton. À moins de se faire passer pour l’un deux en « empruntant » le costume adéquat (merci les tailles uniques). L’art du déguisement est toujours fondamental dans Hitman et il se pratique avec plus ou moins de facilité. Parfois, rien que la phase d’introduction vous demandera patience et observation pour étourdir le porteur du costume convoité. Une fois déguisé, l’intrusion sera beaucoup plus simple, à condition d’éviter les personnages soupçonneux. Ceux-ci s’identifient clairement grâce au point qui leur flotte au-dessus de la tête. Une aide surnaturelle bien pratique qui vous rappelle que vous êtes dans un jeu vidéo. Et si vous acceptez ce principe de semi-réalisme, vous vous sentirez bien dans ce Hitman.
Parce que dans la vraie vie, c’est quand même galère de s’infiltrer où on veut. Alors, on ne crache pas sur ces petites astuces de jeu vidéo et on ne critique pas le comportement répétitif des personnages. Lorsque votre plan d’attaque sera bien clair dans votre esprit, vous serez bien content d’observer que les séquences se reproduisent exactement et permettent une préparation minutieuse. Chercher le réalisme absolu dans un telle formule se ferait sans doute au détriment du plaisir de jeu et des plans réglés comme une horloge. Détendez-vous et profitez des opportunités qui se présentent à vous.
En vous baladant dans un niveau, vous tomberez forcément sur une « opportunité ». Votre contact à l’extérieur vous informe alors d’un point d’intérêt à proximité, souvent une conversation riche en enseignements pour un assassin malin. Ces opportunités sont nombreuses et dévoilent des possibilités d’approche intelligente, à suivre ou non selon vos envies et à l’instant opportun. Si vous n’agissez pas au bon moment, il se peut que cette opportunité disparaisse pour ne jamais revenir. D’où, encore une fois, l’incitation à recommencer la mission en empruntant la voie que vous avez ratée. Ces approches alternatives offrent d’ailleurs souvent un second degré distrayant entre deux exécutions maladroites.
Votre mission accomplie, vous obtenez un score calculé à partir de vos actions. Vous avez trouvé une cassette vidéo embarrassante pour votre cible, paf 1000 points en plus. Vous n’avez tué aucun innocent, bingo. Plus vous obtenez de points, plus vous débloquez d’options de préparation : le lieu de départ du contrat, un costume approprié en cadeau, une arme de choix. Autant de bonnes occasions pour retenter un coup flamboyant ou vous simplifier la tâche.
Le contenu se dévoile donc au sein même du jeu. C’est finalement l’amour de la perfection ou de l’originalité qui vous poussera à approfondir votre exploration de Hitman. Dans ces conditions, les six niveaux sont largement suffisants pour étancher votre soif d’imagination criminelle. Pour ne rien gâcher, les contrats spécifiques pullulent en ligne et ajoutent encore une couche d’expérimentation. Du reste, pour ceux qui choisiraient une voie unique jusqu’à la fin de l’histoire, les environnements sont aussi superbes que variés. Le moteur Glacier fonctionne très bien sur notre exemplaire de test sur Xbox One et fait tout ce qu’on lui demande : pousser haut le niveau de réalisme, gérer des foules denses et octroyer un comportement individuel à chaque personnage non jouable.
Note
16/20
« Je me le prendrai quand il sortira en boîte », pouvait-on souvent lire sur les forums de discussion. Et pourquoi pas finalement, si la distribution épisodique vous laissait dubitatif. Aujourd’hui, c’est toute la saison de Hitman qui s’offre à vous en un bloc et il serait dommage de la rater. Un formidable univers d’expérimentation dans un écrin convaincant, Hitman a décidément la classe.
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